Produits spatiaux agiles

La création de produits satellites suit un processus formalisé depuis des décennies. La liste des produits nominaux est figée avant le lancement de la mission. Des algorithmes de traitement sont conçus dans les laboratoires et finalisés après le lancement. Les algorithmes sont figés et traduits en pseudo-code, le contenu des produits et des meta-données documenté, adoptant le formalisme et le calendrier des centres où les données sont finalement mises en production opérationnelle. Ce processus est adapté aux données prévues dans le programme à long terme des missions nominales : chaque étape demande du temps et des moyens humains, et bénéficie du soutien des agences spatiales, notamment la transition des laboratoires vers les centres de production.

L’explosion des capacités informatiques de stockage et de traitement a fait naturellement évoluer le travail de recherche pur vers le traitement exploratoire de gros jeux de données (plusieurs années/To). Cette façon de travailler, aujourd’hui systématique, mène à la génération de produits spatiaux de niveau 2 répondant à une problématique scientifique précise où les produits nominaux sont insuffisants. Exemples : l’évaluation de la représentation nuageuse dans les modèles de climat (produits CFMIP-OBS dont GOCCP), la couverture en nuages stratosphériques ou cirrus subvisibles (produit SEL2). Cette approche rend les observations spatiales utiles à des thématiques et questionnements scientifiques émergents, proches de l’état de l’art scientifique, non servis par des produits nominaux choisis des années à l’avance dans une vision pré-lancement. Proches de la recherche, les produits concernés sont en redéfinition permanente, ou “agiles”, intégrant en continu les découvertes et les idées nées des nouvelles observations. L’approche agile se traduit par un modèle d’intégration continue : l’équipe scientifique développe les algorithmes, se charge en interne de la reproduction du jeu de données intégral (aidée par les équipes informatiques locales, impliquées très tot durant la conception des projets), l’explore et l’évalue en continu. Ce cycle développement/production/évaluation se répète tant que de nouvelles applications des données se révèlent aux scientifiques et que les moyens humains (dont le financement externe est imprévisible) sont présents. Cette approche agile, largement suivie pour l’exploitation des données de CALIOP et CloudSat, est responsable de près de la moitié des publications scientifiques utilisant ces observations. Elle rencontre un soutien fort dans le Mission Advisory Group d’EarthCare.

Le public interessé par ces produits agiles est parfois une communauté externe qui a ses propres impératifs calendaires, e.g. la publication des AR4 et 5 du GIEC pour la communauté modélisation utilisant les produits CFMIP-OBS. Les besoins de ce public sont proches de la recherche, donc fréquemment redéfinis, et les produits spatiaux doivent suivre pour etre utiles. Il n’est pas possible d’imposer à ce public un calendrier et une méthodologie décidés des années à l’avance par les missions nominales. Il faut au contraire etre réactif et adapter la création des produits aux impératifs du public demandeur pour que les missions spatiales soient valorisées par leur apport pluridisciplinaire.

Le projet EECLAT est concerné par la production et l’utilisation de produits spatiaux suivant une approche agile a des fins de recherche scientifique.